Métro-pole

J’entends la sonnerie jusqu’à je saute dans la cabine et les portes ferment derrière moi. La réussite! Il y a un frisson d’euphorie qui vient avec ce succès. C’est le moment préféré de tous les voyageurs du métro, et je reconnais le flash d’admiration dans le regard de personnes dans le train. Un hochement de la tête, un sourire dans les yeux. On partagerait cette victoire. Et le train départ son station.

Voilà commence notre voyage par métro, à traverser la ville et ses environs. Les portes sonnent mais il n’y a pas toujours cette réussite. Parfois, on échoue : les portes ferment dans la visage, claque, or le train est plein comme une boite de sardines, à cause d’une grêve ou tout simplement la fin de la journée. Ou pire, notre cabine contient une chanteuse avec son accordion, ou même pire avec sa stéréo roulante, qui chante « La vie en rose » et on passe le voyage en calculant s’il est mieux de changer cabines au prochain station ou attendre, nos yeux fixent entre les pages d’un bouquin comme tous les autres, sans expression.

Parfois j’entends cette sonnerie dans mes rêves, ou la voix sans corps du haut parleur au métro : « ce train a une destination d’Haussman-St. Lazare. Il depart tous les stations de…. ». J’entends les noms des stations difficiles pour une américaine à prononcer et je les répète en silence : « Tuileries », « Champ de Mars », « Daumesnil »…

Mon histoire de métro commençait avec ma première visite inoubliable à Paris et un copain qui conduisait le train de la ligne 1. C’est la ligne la plus vieille, qui traverse la promenade du Roi, selon mon ami, mais je n’avais jamais lu un autre mot sur ce sujet. Cette promenade suit la voie du Chatêau de Vincennes sous le Palais-Royal, Musée du Louvre et les Champs Élysées, la Porte de Maillot jusqu’à La Défense. On croise les stations les plus vieux, leurs noms et histoires. Le métro a ouvert le 19 juillet 1900. Sa première ligne Porte de Vincennes – Porte de Maillot, qui plus tard est devenue la ligne 1, avait dix-huit stations. Donc, on commence avec cette première ligne et la plus utilisée.

Comme j’avais décrit dans l’article Une promenade sous la pluie, je m’étais mal préparée pour cette visite : je n’avais parlé que de quelques mots de français, je ne connaissais pas la culture, la ville, la vie. J’étais là pour étudier la cuisine française, j’étais hors de mes profondeurs, mais ensorcelée comme j’étais par Paris, j’ai sauté directe dans la vie quotidienne. Sauf le métro me fascinait sans donnant le désir d’entrer dans ses bouches. 100_2199En la Californie, on n’a pas le système métropolitain comme cela. Comme Kate, le protagoniste américain du film French Kiss a expliqué « I get around as nature intended…in a car.  » Mais le métro était un monde apart. Une amie française, dans les semaines avant mon départ, avait expliqué les mots je verrais souterrain, « sortie, correspondance, ticket, billet, carnet, la carte d’orange », le plan des arrondissements tortueux comme un escargot. La première semaine, j’ai marché partout. Je veux voir la ville, je me disais, la découvrir et explorer rue par rue. Puis, mon ami, le conducteur m’a téléphoné pour dire que je devrais apprendre comment à utiliser le métro et si j’avais envie, je pourrais passer un après-midi avec lui dans la cabine de son train. Et hop, comme cela, je m’étais convertie au métro.

« Prends la ligne 1 jusqu’à sa fin » il me disait, « au Château de Vincennes. Sors du station et passer une bonne heure au parc. Il est très beau. On se rencontrera au café en face du métro. » 100_0741Il avait raison, le château et son parc étaient très beaux et je retourne souvent pour passer un après-midi. J’ai dû entrer avec mon billet, puis il m’a laissé se rejoindre dans la cabine de conducteur. Elle était petite, remplit avec les boutons pour appuyer et un levier pour regler la vitesse. Je n’arrive pas à imaginer une vie passée sous la terre de Paris, avec ses tunnels souterraines comme dans le film culte des années 80, Subway de Luc Besson (après tout, It’s Only Mystery); quatre heures ont été assez. Mais pendant ces heures, j’ai eu la chance de voir la ville dans une manière très rare. L’écartement des rails, le soleil en sortant du tunnel avec la Grande Arche de La Défense au fond, au retour avec une vue de la Tour Eiffel, similaire à laquelle qu’on voit sur la ligne 6, des stations Bir-Hakeim à Passy, mais réservée pour les conducteurs de ce train. J’ai appris quels stations pour éviter, comment réconnaître un voleur, l’histoire des stations fermés ou en travaux. Et j’ai eu même la chance de conduire!

Depuis ce jour le plan du métro est imprimé dans ma mémoire comme le plan de Paris, parce que c’est une histoire personelle.

plan-de-metro-de-parisTout les escaliers, les cavernes, les heures souterraines (comme le livre de Delphine de Vigan) sont vivants. J’ai commencé à apprende la langue française par les pubs affichées aux mûrs de ses stations, j’ai lu les lyrics des chansons de Gainsbourg et de la poésie de Mallarmé dans les trains. En traversant la ville ligne par ligne et station par station, on traverse la France entière, parfois le monde, son histoire dans ces routes comme écrivait Lorànt Deutsch dans son introduction au livre Métronome « Dans cette ville où j’étais un étranger, où je ne connaissais quasiment personne, mes premiers compagnons ont été les noms des rues. Et ces rues, je les ai découvertes avec le métro. C’est vrai, le métro me livrait le mode d’emploi nécessaire pour décortiquer la fourmilière grouillante, abyssale, qui s’offrait au petit provencial que j’étais. Je me suis plongé dans cet univers inconnu avec avidité et gourmandise… J’ai sillonné Paris, je me suis arrêté à chaque station, je me suis posé des questions… Pourquoi les Invalides ? Châtelet, qu’est-ce que c’est ? Quelle République ? Étienne Marcel, c’était qui ? Maubert, ça veut dire quoi ? En définitive, les stations de métro ont débouché sur l’Histoire. Le plan du métro nous dévoile la colonne vertébrale de Paris, et l’on peut y suivre la manière dont la ville s’est construite en partant d’une petite île posée sur la Seine. En effet, chaque station, par son lieu, par son nom, évoque un pan du passé et du devenir non seulement de Paris, mais de la France. De la Cité à La Défense, le métro est une machine à remonter le temps ; au fil de ses stations, ce sont les siècles passés que l’on retrouve. »

Les lignes et leurs stations croisent plusieurs fois, ils sont tissés ensemble comme une toile d’araignée, et où on pourrait changer nos directions comme un livre de « choose your own adventure ». On descend le train et on se promenera un peu, en sachant qu’on n’est jamais plus de 500 mêtres d’un station, même s’il parfois, ces lignes n’intêressent pas. Pour marcher, explorer, fouiller dans les rues et coins insolites, un quartier, un repas. On fait les voyages en France ou étrangère par station : Montparnasse, Montmartre, La Bastille, Gare de l’Est, Chatêau d’Eau, Belleville, Saint-Germain-Des-Prés, Saint-Michel, Cité… Chaque ligne, chaque station a son propre histoire. La mienne commençait avec la ligne 1.

Aux étincelles on suivra les fils de ce plan de métro, en faisant les correspondances et sorties pour raconter une histoire. Les règles sont celles-ci : quand on croise un ligne ou un station intéressant, on pourra décider de sortir ou faire la correspondance. On racontera une histoire de ce coin puis on y rentrera et recommencera notre voyage. 

Laura, on descend où prochainement ?

Charity Bliss

traduzione in italiano di Laura Testoni: Metro-poli

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