Un souffle collaboratif

Il est dit que l’inspiration vient du souffle des dieux. Une source d’inspiration est tout simplement cela : pour respirer. Un changement de mouvement, une réponse involontaire mais nécessaire à la vie elle-même. On respire et on est inspiré. Mais en parlant de l’art, avec toutes ses formes, l’inspiration devient quelque chose d’autre. Nous respirons en ce souffle des dieux, tient-le en nous-mêmes, mais c’est seulement à l’expiration de ce souffle, la remise de celui-ci hors de nous-mêmes que nous créons, nous partageons, et nous pouvons alors inspirer quelqu’un d’autre.

Il est, bien sûr, possible pour un style ou un genre de l’art d’inspirer un autre, une peinture ou un livre qui est alors transformé en une chanson; un mot, coup de œil ou repas qui devient une histoire. Dans le livre, L’Inaperçude Sylvie Germain, Henri, le fils aîné trébuche sur une reproduction de l’une des peintures de Mark Rothko, qui lui transperce avec sa luminosité qu’il est inspiré pour développer son propre talent. « Mais la vraie question était plutôt: comment parvenir à éprouver, chair et esprit, dans toutes les fibres de ses muscles, de son cœur, dans tous ses nerfs et jusque dans ses os, dans toutes les fibrilles de ses sens et les circonvolutions de son cerveau, le goût, le son, la tonalité de ce jaune, comment pénétrer dans cette splendeur d’incadescence dans s’y dissourdre, jouir de cette lumière sans perdre ni la vue, ni la consience, ni le souffle? Comment jouir de cette lumière en toute intelligence? S’il avait eu quelque aptitude pour le dessin et la peinture, il se serait aventuré dans cette voie, mais un tel talent lui faisait défaut, il ne resterait jamais qu’un spectateur, un témoin. Il aime regarder, observer, il sait voir. Cela aussi est un don, peut-être moins créatif, plus modeste, mais qui exige tout autant de travail, d’attention, de patience. Il a fini par s’orienter vers une formation qui convient à sa curiosité et à sa perspicacité de témoin: le photoreportage. »

Et soudain, une vie est transformée.

Dans le livre, The Crane Wife de Patrick Ness, l’art est un effort de collaboration, les histoires aussi. Dans ce roman anglais inspiré par un mythe japonais, George, un imprimeur qui, pour son propre plaisir, fait des découpages en papier de livres d’occasion. Une nuit, il sauve un oiseau blessé. Le lendemain, une femme belle et mystérieuse, entre dans sa boutique avec son oeuvre et transforme sa vie ainsi que leur art. « But now the dragon was threatening George’s crane. The same dragon made of feather flew over the crane made of words on paper. A combination of mediums that shouldn’t have worked. A combination of styles that shouldn’t have worked. George wasn’t even remotely afraid to acknowledge that it was even a combination of competences (hers exquisitely agile, his barely managing a limp) that shouldn’t have worked. But oh. But oh. But oh.(…) The dragon now had purpose. The crane now had context. The dragon now had a dangerous curiosity, it had potential. The crane now had threat, a serenity about to cease. Together, they had tension. Together, they were more than two incomplete halves, they were a third thing, mysterious and powerful and bigger than the small black square that imprisoned them. A frame had become a film, a sentence had become a story. The dragon and the crane invited you to step in, take part, be either or both, but they were very clear that you would do so at your peril. And she had given it to him. »

Il est là, en cette mysterieuse triosième chose que la magie de l’inspiration est née. Mais cette histoire fantastique a en son cœur un mythe et des questions sur comment et pourquoi nous raconter les histoires et comment elles changent avec chaque narrateur. Je cite Ness encore dans The Crane Wife « There were as many truths – overlapping, stewed together – as there were tellers. The truth mattered less than the story’s life. A story forgotten died. A story remembered not only lived but grew. » Essentiellement : « La vérité importait moins que la vie de l’histoire. Une histoire oubliée est mort. Une histoire de rappeler non seulement vécu mais a grandi. »

Recémment il paraît que tous mes livres parlent des histoires. Il est probable que j’ai une préférence pour ces livres: des histoires sur les histoires. Il s’agit des élements fantastiques parfois, un mythe dans ces histoires. Leurs narrateurs, mefiables ou pas, reconnaient que parfois ils doivent créer leurs propres histoires. Que en la raconte des histoires, comme le Renard a dit en Le Petit Prince « Voici mon secret. Il est très simple: on ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux. » Parfois mes livres parlent entre eux, pas vraiment, mais un concept introduit par un livre est reprenait par un autre et la conversation continue. Les idées melangent et un nouveau dimension est ajouté. Je vous donnerai un exemple: Italo Calvino a écrit sur la ville imaginaire de Eufemia dans ses Villes Invisibles. C’est la ville où les marchands viennent au commerce non seulement des marchandises mais aussi des histoires entre eux. Chacun offre un mot, et une histoire basée sur ce mot, jusqu’à ce qu’enfin ils ont mélangés entre eux leurs histoires et laissent à nouveau pour retourner à leur vie, en prenant une part d’anecdotes et de souvenirs avec eux de l’autre. Je lisais ce livre, à la recherche d’un passage déjà traduit en anglais pour cet article, lorsque je suis tombé sur les mémoires de Elizabeth Gilbert, Committed, la suite de Eat, Pray, Love, et dans ce livre elle offre son propre récit personnel de cette ville imaginaire. Maintenant ces deux contes de cette ville magique, sont reliés entre eux dans mon esprit et ont créé une nouvelle mémoire.

Donc, ce qui inspire ces histoires? Ces histoires d’histoires. Avec narrateurs de teintes diverses de fiabilité. Ou, pour creuser un peu plus, car il ne s’applique pas seulement aux conteurs: ce qui inspire un artiste? Un musicien, un écrivain, ces raconteurs? Parfois, c’est dans le récit de l’histoire elle-même, ou quelque chose de profond à l’intérieur de soi qui attire une étincelle d’inspiration. Parfois, c’est dans le travail d’un collaborateur ou juste un apperçu d’une autre œuvre qu’allume le feu à l’imagination. En musique, comme l’improvisation du jazz, cela peut vient des notes d’un autre musicien. La moitié d’une ligne de crié comme un souffle que l’on ramasse et apporte quelque chose de lui-même avant de le renvoyer pour ajouter, améliorer et recommencer, le soupçon d’une mélodie qui accroche dans l’oreille et dans le coeur et qui exige plus encore.

Peut-être, je ne peux pas encore résoudre la question de l’inspiration, ce souffle des dieux. Je continuerai à écrire sur ce thème dans les articles à venir. Mais, je sais que ça vient de travail dévoué qui a très souvent besoin un moment tourné loin de la tâche, un moment de paix, un repos pour ses pensées, avant qu’il peut finalement se montrer comme vrai.

Charity Bliss

traduit en italien par Laura Testoni: Un respiro collaborativo

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