Une tarte aux fraises et l’échec de la perfection

Ma tarte aux fraisesJ’avais grandi pas loin d’un champ de fraises dans une grande banlieue de Los Angeles. Il était trop petit pour être considéré comme une vraie ferme. Mais dans la chaleur des soirées à la fin de l’été où le parfum des baies sur-mûries serait flotter à travers les champs à la maison. L’air était doux, odorant et lourd, comme seulement les baies trop mûres peuvent être. La saison pour les fraises va d’avril jusqu’à juin mais on peut les trouver presque toute l’année aux supermarchés ici. Par août le dernier des fruits de l’été serait encore dans les champs et le propriétaire inviterait le quartier à venir et cueillir ces dernières fraises sans frais avant que les champs seraient reposés et remis pour l’an suivant. C’est le travail éreintant- le travail manuel- retenant comme vous dirigez vers chaque voie, de flexion et de cueillette, et même comme un enfant, c’était fatigant et désagréable.

La plupart des ouvriers étaient des immigrés sans papiers, payés en espèces sans doute beaucoup moins que le salaire minimum. Cesar Chavez avait protesté pour les droits de ces travailleurs, en particulier des droits d’immigrés, dans les années ’60 et ’70 – son appel à l’action « Si, se peude » « Yes, we can », «  Oui, on peut » – est bien connue et utilisée aujourd’hui aussi bien aux manifestations d’immigrés au 1er mai ou par le président Obama pendant sa campagne électorale en 2008, mais la discrimination et l’exploitation existe toujours.

On portait nos sacs et bols de fruits à la maison et au moment où nous sommes arrivés, beaucoup auraient déjà en bouillie et pratiquement disparu. On s’est gorgé les fraises avec une apparence moitie agréable et puis on faisait une confiture de la reste. Comme la cuisine a commencé à refroidir à l’heure du crépiscule, le parfum des plantes de la cour mélangerait dans la compote; les arbres de citron, les fleurs d’oranger, le menthe, les roses. Le matin prochain on pouvait entendre le bruit de tracteurs quand on mangeait le pain avec la confiture pour nos petits déjeuners.

Ces jours-ci, le domaine a été transformé en une petite ferme biologique : artichauts, maïs, chou, frisé. Les fraises ont toujours leur place, puisque le sol est dur avec le sable, parfait pour son fruit préféré. Le parfum des fraises a diminué, mais il est encore là.

Peut-être parce que j’avais grandi avec leur parfum écrasante, un soupçon de pourriture dans l’air, ou avec une telle facilité d’accès, ou en raison de leur popularité, leur omniprésence dans les desserts, les fraises n’ont jamais été mes fruits préférés. Je trouve leur douceur lourde et oppressante. « Le sucre n’est pas une saveur » a insisté les chefs au Cordon Bleu pendant mon séjour. Comme le sel, il sert à améliorer la saveur et peut facilement être abusé. Il faut affiner la saveur et trouver l’essence du goût. Il faut développer un palais. Personnellement, je suis attirée aux notes d’agrumes, la netteté dans ma tarte au citron, ce qui a parfaitement un goût de citron, en autre mots: âpre. Le pamplemousse rose pour son air jovial. Même rhubarbe avec son mélange de notes de citronniers et framboises. La truculence de figues et de la chaleur lumineuse d’une pêche.

Je pensais à la saveur l’autre jour, faim pour un plat de la fantaisie après regardant, puis écrivant sur le film, Les Saveurs du Palais. (ici) Et puisque le foie gras et les truffes ne sont pas exactement disponibles en la Californie, j’ai décidé de faire une tarte extravagante. Une tarte aux fraises avec une crème pâtissière à la rhubarbe. Ce n’était pas une crème plombières puisque j’ai décidé de ne pas faire une crème chiboust avant d’ajouter dans la compote de rhubarbe. Elle semble difficile et impressionnante, mais elle est en réalité facile à faire et délicieuse. Fraiche et parfaite pour le début de l’été. Je pense souvent en termes de saveur : saveurs complémentaires, comme les couleurs, améliorent un plat et peuvent créer quelque chose de nouveau et inattendu. C’est pourquoi j’aime les livres comme The Flavour Thesaurus de Niki Segnit. Là, elle a crée une roue de saveur (comme la roue de couleurs). Ses recettes sont des idées et ne pas les mesures. Fraise et rhubarbe sont une combinaison courante ici aux États-Unis – sans doute on les mélange pour ajouter la douceur supplémentaire à la rhubarbe, mais dans ce cas, j’ai cherché à donner l’acidité aux fraises. J’ai préparé un fond de tarte brisée, une crème pâtissière à laquelle j’ai ajouté une compote de rhubarbe et garnie de fraises en tranches. Simple et élégant.

Même s’il est contraire à l’intuition de dire, la perfectionnisme a les fautes. Mes fraises étaient inégales et la tarte avait un regard elliptique à mes yeux. Vrai, je pourrais avoir gardé les fraises entières, comme je le fais parfois avec ce genre de tarte aux fruits, mais il y a une élégance florale dans une tarte aux fraises en tranches: elle s’évanouit en circulaire comme une fleur sur le gâteau. J’ai vu que des fautes. En plus, il n’était pas possible de couper et présenter une tarte comme cela dans une façon élégante à la maison. Pour le service, oui, si vous préparez la crème pâtissière, le trancher et mettre ensuite les fraises sur les tranches individuelles. Mais à la maison, elle s’écroule, le goût et l’élégance est toujours là mais vous pouvez choisir un plat moins ambitieux. Il s’agit de l’ambition, notre recherche de la perfection qui crée des œuvres magnifiques. Selon Romain Gary, « Il faut toujours connaître les limites du possible. Pas pour s’arrêter, mais pour tenter l’impossible dans les meilleures conditions. »

Mais l’échec de la perfection cède la place de nouvelles idées, il s’ouvre à l’expérimentation. Nous pensons, comment puis-je faire cela différemment ou mieux, ce que puis-je modifier ou développer, d’une manière que le succès ne fait jamais. Succès nous cimente dans nos rôles alors qu’avec les échecs ou ces toutes petites pensées que quelque chose n’est pas tout à fait comme il faut, avec un peu de travail, être donc grandement améliorée, nous donne le désir et on espère le courage d’essayer encore une fois. Il nous libère.

Mais ce n’est pas comment tout le monde a vu ma tarte, comme l’échec. Et à travers leurs yeux et leurs photos, j’ai vu aussi un chef-d’œuvre. On est souvent nos propres pires critiques et on doit nous efforcer à surmonter, oui à améliorer aussi, mais on doit également nous permettre de réussir. Je l’ai vu comme déséquilibré, les fraises étaient inégales en taille et mise en place ils avaient un air coquin. Ma crème n’était pas assez solide et suintait partout. Mais mes invités ont vu de la magnificence, une tarte splendide.

Je sais maintenant comment je vais la faire différemment la prochaine fois. J’ajouterai les feuilles de la gélatine ou préparer une vraie crème chiboust avec la meringue italienne. Ou peut-être je ferai un gâteau meringué avec la crème pâtissière et les fraises dedans et une pièce décorative au dessus. Ou un fraisier. J’ai beaucoup des idées. Et je n’ai pas peur.

Julia Child, la cuisinière américaine avec une passion pour la cuisine française, avoua « The only real stumbling block is the fear of failure. In cooking you’ve got to have a “What the hell?” attitude. » Elle l’a écrit sur la cuisine, mais il pourrait aussi vrai pour la vie elle-même.

Charity Bliss

Translated in English by Charity Bliss: A strawberry tart and the failure of perfection

Tradotto in italiano da Laura Testoni: Una crostata alle fragole e lo scacco della perfezione

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